Fantasia: le retour (2)

Coups de coeur 

Ce qu’ont en commun Piercing et Microhabitat (prix AQCC Camera Lucida), c’est avant tout la surprise d’un film qui ne se contente jamais de ce qu’il propose initialement.

Ce qui devait être pour Reed (comme toujours excellent Christopher Abbott) un rituel meurtrier glacial et maîtrisé de bout en bout tourne de façon jouissive au vinaigre et à la rencontre humaine où les psychoses de chacun sont mises à nu. Qui ne verra pas dans Piercing un vibrant hommage au cinéma d’Hitchcock derrière les mimiques du meurtre, pourtant délicieusement assaisonnées de musique guillerette permettant la coupure de ton et une signature visuelle unique. Dans une chambre d’hôtel aseptisée, absolument rien ne se passera comme prévu pour ce tueur professionnel dont les pulsions assassines sont connues de sa femme qui lui donnera même des conseils par téléphone. 

Une pâte signée Nicolas Pesce qui tend à s’amenuiser dans le dernier tiers du film, qui arrive pourtant habillement à renverser les codes du film d’horreur où la jeune femme fragile est constamment dans le siège de la victime. La réussite de Piercing se trouve assurément dans sa capacité à brouiller les pistes dans un décor léché où la proie et le prédateur deviennent interchangeables.

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Après une hausse du prix du loyer, des cigarettes et du whiskey, Miso renonce à son appartement avec toute la désinvolture du monde. Même si l’idée de base du scénario de Microhabitat est prometteuse, jamais la cinéaste ne la laisse se suffire à elle-même: du récit intimiste, le film évolue vers la critique sociale universelle et le portrait d’une Corée peu représentée où le féminin est sans honte. La fuite du foyer y constitue un rejet de codes traditionnels encore ancrés à bien des sociétés – pas uniquement sud-coréenne – à travers lesquels les femmes seraient censées s’épanouir par le biais du cocon (familial). Sans jamais user d’un ton moralisateur, (le film et) Miso finit par faire un peu le ménage… dans la vie des amis qui l’accueillent.

Le contrôle de la mise en scène est un autre de ces points communs entre les deux longs-métrage de la catégorie Camera Lucida: les plans frontaux de Piercing permettent un recul propice au désamorçage comique, tandis que l’alternance des rythmes confère au premier film en solo de la sud-coréenne Jeon Go-Woon une poésie et la finesse qui manquait à Familyhood, film passé à Fantasia en 2016 et pour lequel elle était co-scénariste.

Meh… Entre-deux coup(s)

Il y a du potentiel dans le regard sensible que pose la suisse Lisa Brühlmann sur les changements propres à l’adolescence, mais rapidement Blue My Mind se morfond dans un symbolisme bien trop appuyé pour être, soit convenablement digéré, soit un temps soit peu interprété.

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Contrairement à Mia, dans tous ses états face aux affres de la puberté, le résultat de ce premier film est bien tiède. Hormis un arrière-goût en accord avec le dégoût de Mia face aux changements que son corps subit, Blue My Mind ne fait la plupart du temps ni chaud ni froid tant le propos ne parvient jamais à dépasser l’arrivée pourtant progressive de l’élément surnaturel.

Malgré de beaux plans travaillés, une logique respectée et des intentions louables, on semble rester dans une lecture unique d’une jeune fille devenant femme sans jamais oser creuser au-delà du surnaturel et de la pure transformation. Il aurait été fascinant de gratter la surface là où l’a fait Grave dans le même ton. Ici un certain potentiel mais rien de vraiment nouveau sous le soleil.

C’est aussi une adolescente qui est au coeur du dernier film de Josephine Decker. Madeline’s Madeline est quant à lui un film à concept. Impossible d’en parler sans souligner l’interprétation des actrices, et tout particulièrement le jeu de la jeune et talentueuse Helena Howard.

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Madeline jongle entre une relation corrosive avec sa mère et l’exploration de différents niveaux de réalité grâce à la troupe de théâtre à laquelle elle appartient. Un film qui laisse somme toute sur sa faim tant les enjeux entourant la protagoniste restent sous-développés. L’approche du théâtre dans le cinéma se fait bon véhicule de l’identité morcelée et de la multiplicité d’une expérience vécue mais on reste frustrée tant la forme prime sur le fond.

On passe de peu à côté d’émotions fortes même si des scènes isolées prennent aux tripes, on pense notamment à celle où la jeune Madeline joue le rôle de sa mère devant celle-ci et la troupe au complet. Il en devient presque frustrant de voir Decker s’attarder sur le rapport de Madeline à la metteuse en scène de sa troupe tant celle-ci tourne en rond, délaissant au passage l’excursion de Madeline au coeur d’elle-même et de ses propres limites.

 

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  1. namejastin says:

    La plupart du temps

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